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Les fours à pain des Bauges

four massif des bauges

Le pain et les fours des Bauges ont été pendant des siècles au cœur de la vie des communautés villageoises.

Ils trônaient sur la place du village en compagnie du lavoir et de la fontaine et constituaient un lieu d’échange. De banal, le four est devenu privé puis communal...
Laissés à l’abandon, au cours des 19e et 20e siècles, ils retrouvent aujourd’hui une seconde vie.

Ce dossier a été élaboré pour l'examen final du brevet d'état d'accompagnateur en montagne.

Construction des fours

Matériaux - Les diverses parties du four

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  • Les matériaux

Les murs sont construits en pierre du pays à l’image des autres bâtiments agricoles. Les fours se distinguent par les matériaux utilisés pour la voûte : terre, pierres ou briques. La terre était utilisée dans l’antiquité ou dans les régions argileuses. La pierre était le matériau de construction des voûtes antérieures au 20e siècle car souvent le seul disponible sur place avant l’arrivée du chemin de fer et demandant un savoir-faire particulier pour l’extraction des blocs et la taille des pierres.

On utilisait la molasse pour ces qualités réfractaires. De couleur gris verdâtre à grains plus ou moins fins, elle durcit au contact du feu. On l’utilisait pour la voûte et la sole du four. Les molassières du Forezan à Cognin étaient réputées pour la qualité des pierres. Lors de la réfection des fours de Curienne, l’association les fascines s’est essayée à l’extraction des blocs de mollasse de manière traditionnelle. C’est à dire « à l’aide de broches fixées à de longs manches et projetées avec force ». Une autre technique est utilisée pour extraire les blocs de pierres et ce depuis l’antiquité : on enfonce des coins de bois dans la roche et on les fait gonfler avec de l’eau, l’utilisation de cette technique est améliorée avec le gel l’hiver. L’association a alors fait appel à deux professionnels de Chartreuse pour la taille des molasses. Ils participent aujourd’hui à la réfection de divers four de village.

La brique réfractaire, s’imposa avec le développement des moyens de communication. C’est l’élément le plus utilisé aujourd’hui pour la rénovation des fours de villages. On trouve en effet des sociétés spécialisées proposant des voûtes en kit à monter soit même. La société Terrassier de Tain L’Hermitage a rénové de nombreux fours en Savoie au cours du 19e et 20e siècle. Spécialiste du four à pain, elle distribue tout le matériel du fournil et exploite les carrières de grès de Larnage qui possède de très bonnes qualités réfractaires. Après la seconde guerre mondiale, et la chute du marché elle est rachetée par l’entreprise Fayol qui propose des fours à destination des particuliers et des professionnels.

  • Les diverses parties du four

Dans les Bauges, on trouve essentiellement deux types de fours. Des bâtiments fermés avec des avaloirs de fumée devant la porte et des bâtiments ouverts avec la gueule du four donnant directement sur la rue.

La base, isole le four du sol et de l’humidité. Elle est constituée de pierres tout venant ou de galets de rivières. Elle joue un rôle dans l’accumulation de la chaleur. On y pose la sole de brique ou de mollasse sur laquelle vont cuire les pains. Une ceinture d’une vingtaine de cm appelée cordon entoure la sole et constitue la base de la voûte plus ou moins hautes en fonction des quantités de bois disponibles. La brassière entoure la bouche du four sur laquelle vient se fixer la porte. Au devant, on trouve une tablette de pierre, parfois un cendrier sous la bouche (on récupérait la cendre pour faire du savon) ou un étouffoir car les braises éteintes rapidement donnaient le charbon nécessaire aux fers à repasser.. Il arrive que l’on trouve, au fond du four juste au-dessus du cordon, des ouras, canaux d’aération servant au tirage du four. Il est intéressant de noter qu’en patois ouras désigne le vent, la tempête. Une masse de sable recouvre la partie supérieure du four en écartant d’une part le risque d’incendie et d’autres part en procurant une isolation en emmagasinant la chaleur et en la restituant tout au long de la cuisson.
Les toits des fours des Bauges étaient traditionnellement en chaume mais pour écarter le risque d’incendie, on les a remplacés par des ardoises ou des tuiles. Nous en reparlerons par la suite.

Histoire des fours

Le four banal - Les archives communales  - Les taxes sur le pain

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  • Le four banal

La dénomination de four banal est aujourd’hui, utilisée aussi bien pour des propriétés collectives (appartenant à plusieurs familles) que pour des bâtiments communaux.
En réalité, le four banal était le four du seigneur. On appelait banalités les droits qu’exerçaient le seigneur sur ses possessions (pressoirs, moulins). Ses sujets étaient obligés d’utiliser son four sous peine d’amende (de bans). D’origine royale, les banalités ont été accaparées ou acquises par les seigneurs mais évoluèrent dès le milieu du Moyen-âge. Les fours sont alors albergés à un tiers ou à une communauté.

  • Les fours dans les archives communales

Les archives des « droits du commerce et de l’industrie des princes de Savoie dans la châtellenie du Châtelard » nous apprennent que les princes de Savoie possédaient un four banal à Ecole et un autre au Châtelard. Celui d’Ecole-en-Bauge fut ascensé en 1347 à un nommé Testud, en 1435 à Jacques Prudhomme(notaire) moyennant une taxe annuelle d’affouage de 22 sols, puis à Pierre Roux pour le cense de 15 sols forts. Le second fut ascensé en 1356, à François Fournier, moyennant une redevance annuelle de soixante cinq sols forts à l’écu.

Les archives communales du Châtelard apportent des éléments intéressants sur les contraintes liées à l’utilisation des fours à pain en Bauge.Le four du Châtelard fut albergé avec l’usage du bois de Leyat sur la montagne de Rossanaz, le 3 août 1496 par le Duc Charles 3 à noble Charles Cerise dont les descendants cédèrent ensuite leurs droits à spectable Jean Baptiste Despine. Le sieur Despine doit prouver au cours d’un procès avec la communauté que le bois dénommé Leyat lui appartient et que son utilisation est destinée à l’usage du four. Pour cela, il apporte divers titres prouvant sa propriété : Acte du 2 janvier 1637 : « Demoiselle Guillmine Viallat, veuve du noble Philibert Trépier, pour elle et les siens, bien avisée de ses droits, ayant un four banal situé au Châtelard au devant de l’église. La dite demoiselle pour maintenir et servir le public a albergé le dit four perpétuellement à Victor fils, à feu Jean Aimonier du dit Châtelard acceptant pour lui et les siens, avec le bois et autres commodités, appartenances et dépendances du dit four, pour le dit four avoir, tenir, jouir, gandir et ? par le dit Victor Aimonier et les siens sans aucune abroge aux charges et conditions suivantes. Savoir que le dit Aimonier serait tenu de payer annuellement et perpétuellement les servis dues au seigneur marquis du dit Châtelard et de payer toutes les semaines et délivrer à la dite albergatrice une charge de bois dans sa maison, cuire le pain de la dite maison et lui délivrer un convoi de bois, de cuire bien et ? les pains des bourgeois et habitants du dit Châtelard sans que la Demoiselle dite en eut avoir reproches, ni plaintes, de faire toutes les réparations et restaurations requises et pour les manutentions du dit four, de quoi il prendrait état de ses propres coûts et dépenses, sans que la dite demoiselle y fut en aucune chose tenu ou obligé, sauf qu’en cas que le dit Aimonier fut dérogé et levé du dit four pour quelque sorte et manière que ce soit…Celui qui tient la ferme du four a le droit d’y couper du bois » Par la suite, on apprend que le 26 avril 1686, Charles Delepigny (fermier du Marquisat)a payé 14 florins pour la cens du four banal pou les années 1684 et 1685. Le four été acsencé entre 1668 et 1755 pour une durée de 3 ans puis 6 ans. Le sénat après l’apport de nombreuses pièces, et le renoncement du marquis seigneur de Lescheraines, conclut que le bois de Leyat a toujours appartenu au four banal. Le problème réside dans le fait que certains sujets font paître les animaux dans le dit bois et Despine évoque que « l’on est à la veille de manquer de bois pour le chauffage du dit four »… « et que c’est tout l’intérêt des habitants du bourg car il n’y a pas d’autre four ». « Il pourrait arriver, si les dits bois se détruisaient que les particuliers ne pourraient cuire leur pain… »

  • Taxes sur le pain : les leydes

La leyde était une taxe en nature ou en argent sur les marchandises qui se vendaient au marché du Châtelard. En général, elle n’était due que pour les étrangers au bourg ; ils en étaient exemptés dès qu’ils avaient un an et un jour de séjour dans la ville. Aux obligations liées à l’usage des fours, il faut donc ajouter les taxes sur le pain. Voici ce que nous révèlent les recettes de la châtellenie du Châtelard en 1347 : « … les bolangers doivent impost, estant taxé le pain… ». Les leydes étaient dues par tout boulanger : « …à la foire de toussaint, les boulangers, tant ceux qui travaillaient au Châtelard que ceux qui vendirent leurs produits sur la foire de toussaint, payèrent, les premiers un pain et demi et trente quatre tourtes et quart, les seconds, pour quatorze pains écoulés à raison d’un denier par pain, quatorze deniers forts à l’écu. »

Un curieux règlement défini les amendes et la manière de payer : « Si quelqu’un sort de la ville sans payer la leyde, il payera 60 sols d’amende, à moins qu’il n’envoie quelqu’un pour la porter et s’il ne trouve personne pour cela, qu’il la mette sous une pierre, qu’il élève ça et la, 2 pierres pour indication et le 8e jour qu’il la prenne en présence de deux témoins et qu’il la paie. »
Les taxes sur le pain ont perdurées. A la fin du 18e siècle, elles ont été fixée par le sénat de Savoie. A cette même période, les recherches de l’abbé François Gex font état de la présence de « 33 boulangers et cabaretiers non compris 55 fours de villages ».

  • La taxe du vin et du pain - le Châtelard 1774-1781

« L’an mille sept cent soixante et quatorze et le premier du moi de janvier à deux heures après midi au Châtelard en Bauge dans la maison accoutumée à leurs assemblées du conseil par-devant moi Jean Baptiste Dufaud notaire royal, secrétaire de la présente paroisse…,suite à l’arrêt du sénat du premier janvier 1760 et concernant la taxe du vin et du pain… »
Les délibérations ont établi une table des prix pour la vente du pain indexée sur le prix de vente du blé sur les marchés hebdomadaires du Châtelard et incluant les taxes. Lorsque le blé sera vendu depuis 15 sols jusqu'à une livre (la bichette)le prix d’une livre de pain sera de 1 sol et 3 deniers. Lorsque le prix de la bichette de froment augmentera de 5 sols, le pain augmentera de 3 sols.